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https://www.lemonde.fr/banlieues/article/2012/04/20/au-meeting-de-melenchon-cette-campagne-nous-a-redonne-confiance-en-l-avenir_5983264_1653530.html
Ils étaient une quinzaine à s'être donné rendez-vous jeudi à 18 heures non loin de la placette où ils tractent depuis des mois les jours de marchés. Lorsque nous les y avions rencontrés, fin février, le candidat du Front de gauche était crédité d'entre 8 et 9 % des intentions de vote. "Mélenchon va créer la surprise, vous verrez" sentaient alors ces militants communistes qui, pour la première fois depuis 30 ans, se mettaient à rêver "d'un score à deux chiffres".
Deux mois plus tard, ils partent pour ce dernier meeting à la porte de Versailles la tête haute : ces dernières semaines, leur poulain dispute la troisième place à celle dont il a fait sa pire ennemi, Marine Le Pen, et plus personne n'envisage qu'il n'atteigne pas les "deux chiffres", ce graal d'il y a deux mois. "On veut un score à trois chiffres maintenant !" s'amuse Monique Delugin dans le métro qui les emmènent à l'autre extrémité de la capitale. "Souvenez-vous, nous sommes partis de 3 % !" rappelle Myriam, syndicaliste, comme pour souligner le chemin parcouru. "Duclos avait fait presque 22 % en 1969 !" ajoute Gilles Poux, le maire de La Courneuve, également du voyage. "Plus de 20 % ce serait un très grand bonheur ! lance Michel Rochard, retraité. Mais avec la façon dont les médias ce sont comportés, en utilisant Le Pen, Poutou et Arthaud, je n'y crois guère." "Sans oublier toutes ces boules puantes ces dernières semaines avec ses amitiés qu'on lui reproche avec Dassault, Patrick Buisson, Henri Guaino ! Je trouve vraiment que les médias s'acharnent sur lui" s'indigne Sophie, 46 ans. "On ne peux pas vraiment deviner le score à l'avance, estime cependant M. le maire. On dit que 15 à 20 % des électeurs font leur choix dans les dernières heures..."
A chaque station, le cortège courneuvien s'étoffe un peu plus : le fils de l'un, la fille de l'autre, puis bientôt des inconnus avec qui le lien se fait tout de suite parce qu'on a repéré un badge, une écharpe, un drapeau qui laissent deviner qu'on se rend au même endroit. "Moi je suis parti à 18 heures de Montreuil" dit un nouveau venu. "Et moi à 16 heures de Metz!" dit une autre.
Arrivés Porte de Versailles, c'est la cohue : "Où est ma fille ? demande Michel Rochard. Je l'ai perdue de vue !" Elle réapparaît quelques minutes plus tard dans la foule. A 77 ans, le vieux militant communiste est l'un des doyens de la petite troupe, mais aussi l'un des plus enthousiastes. "On a un programme extraordinaire, porté par un candidat extraordinaire ! se réjouit-il en marchant vers le hall où les premiers discours ont commencé. Ce programme a été élaboré par sept organisations différentes, et Mélenchon s'y est tenu, il n'a jamais varié pendant la campagne et a réussi à le diffuser avec pédagogie. Cette sincérité intacte, c'est ça qui a déclenché l'enthousiasme". Plusieurs fois, il dira "c'est incroyable" et "c'est formidable"! "Je suis militant depuis presque cinquante ans. Des élans de la gauche, j'en ai connu mais des comme ça, jamais ! Ça m'évoque ce que mes parents me racontaient du Front populaire" confie-t-il.
"On a voulu nous rendre bête et on a cru qu'on l'était"
Dans l'immense hall, des ballons, des pancartes et des milliers de drapeaux s'agitent au dessus des têtes tandis que des vagues de sympathisants continuent à arriver. Voilà enfin le candidat. Ça hurle, ça danse, ça applaudit. Le niveau sonore est assourdissant. Jean-Luc Mélenchon appelle à "se débarrasser de Sarkozy", raille Marine Le Pen "cantinière des croisades" et "yéti de la politique française", fustige ceux qui "parlent d'intégration" à la troisième génération : tout le monde mange du couscous et des merguez dans ce pays" et demande aux électeurs de se mobiliser dimanche : "plus nous serons nombreux dans les urnes, plus vous serez forts dans vos entreprises. Vous pourrez leur dire : si ça continue comme ça, on va appeler Mélenchon !" Les bons mots font mouche, les Courneuviens savourent, même si parfois on entend des "il est hard là" quand il brocarde ses adversaires. Régulièrement, spontanément, la foule ponctue le discours en criant "Résistance, Résistance". La force de la clameur est ahurissante, on sent que ça vient des tripes. Les visages sont joyeux, chaleureux, il y a une vraie ferveur.
Comme cette foule tourbillonnante contraste avec celle qu'on a vue à Vincennes pour François Hollande dimanche! On ne parle pas de chiffres : là-bas comme ce soir, ils étaient très nombreux, on laissera les calculs précis aux matheux. Mais les socialistes, pourtant si proches, eux, de la victoire, nous ont paru anxieux : la peur peut-être de laisser passer leur chance, une fois de plus, si prêts du but ? "Pas d'euphorie" mettait en garde François Hollande. Euphoriques, les militants ne l'étaient certainement pas, "les jeux ne sont pas faits" disaient-ils.
L'euphorie, est en revanche bien là, ce jeudi soir, chez ces futurs électeurs Front de gauche. Pourtant, à une exception près, aucun de ceux que nous avons questionné ne croit un second tour accessible dimanche. Pas même Jean-Luc Mélenchon qui a surtout appelé à le placer devant le FN : "alors vous ferez non seulement une bonne action pour votre pays, mais pour toute l'Europe". Tétanisés par l'enjeu, les futurs vainqueurs sont anxieux. Les futurs vaincus, eux, croient aux lendemains qui chantent.
"Nous revenons de loin. Il n'y a pas si longtemps, on était dans les choux, commente Monique Delugin. Et là, cette campagne nous a redonné complètement confiance pour l'avenir. Aujourd'hui on a déjà gagné quelque chose : on sait que les gens sont prêts, que la lutte va pouvoir reprendre". Myriam, 47 ans, qui l'écoute, opine du chef : "Ça m'a redonné confiance dans ce pays. Pendant cinq ans, Nicolas Sarkozy nous a sapé le moral. Il a voulu nous opposer les uns aux autres, les immigrés contre les ouvriers, les travailleurs contre les assistés. Et ça a failli marcher : on a voulu nous rendre bête et on a cru qu'on l'était. Cette campagne a montré qu'au contraire la fraternité existait encore en France, que c'était une valeur qu'on était nombreux à partager."
Comme à chaque fin de meeting, voilà que s'élève L'Internationale, comme un souffle, tous le poing levé. Michel bombe le torse, ému, déterminé. Avec la même conviction, il entonne ensuite la Marseillaise. "Ça me fait quelque chose moi un discours comme ça, confie-t-il quelques minutes après. Je suis sûr que cet élan va perdurer : "On a voulu nous rendre bête et on a cru qu'on l'était"déceptions qu'a suscité la gauche, notamment en 1983 [le départ des communistes du gouvernement]. Il faut qu'on reste uni, tous, au sein du Front de gauche. Maintenant on va se battre pour les législatives : on a des candidats partout, on ne va rien négocier. Un mouvement comme ça, c'est une lancée formidable !"
1 Commentaires
YANE Wilfried
Je hâte de lire des articles simulaire.